mardi 8 septembre 2009

Et vous ?... (Fiction Yaoi) - Chapitre 07


Et vint le moment de retourner au lycée. Personne n’osa venir m’aborder pour s’assurer des dires de Gaëtan. En ce qui concernât notre groupe d’ami, chacun d’eux me donna des petites tapes dans le dos ou me serra la main : une façon pour eux de dire que cela ne changeait rien. Je soupçonnai mon meilleur ami de leur avoir parlé et peut-être même avait-il menacé notre classe entière pour que personne ne mentionnât ce qu’il s’était passé.
La semaine se déroula donc tranquillement et le vendredi, je n’entendais déjà presque plus les chuchotements sur mon passage. Peut-être m’y étais-je habitué ou peut-être s’étaient-ils tous lassés. À vrai dire, je ne m’en souciais plus. J’avais retrouvé mon meilleur ami tel que je l’avais toujours connu et c’était tout ce qui m’importait.
Par la suite, alors que je trainais dans ma chambre, je retombai sur la serviette en papier où était inscrit le numéro de téléphone de Vincent. Je ne l’avais pas jetée et l’avait laissée traîner, ne sachant qu’en faire. À cette époque de ma vie, si j’avais retrouvé mon meilleur ami et si je l’aimais plus que tout, je savais aussi qu’il était temps pour moi d’aller de l’avant. Je ne pouvais pas attendre éternellement un homme qui ne m’aimerait jamais comme moi je l’aimais. Ne voyant d’autre issue à mon problème, parce qu’il était hors de question que je m’éloignasse encore une fois de Gaëtan, au risque de le perdre définitivement, je décidai que la meilleure solution était sans doute de l’oublier dans les bras d’un autre homme. Peut-être que Vincent ne s’imaginait pas cela en me donnant son numéro ? Peut-être que mon ex-amant n’arriverait pas à me faire oublier l’homme que j’aimais ? Peut-être que toute cette histoire le ferait souffrir ? Mais, pour cela, je n’avais aucun scrupule, pas une once de culpabilité. Vincent était du genre à se servir des autres pour son propre bien être alors pourquoi ne pas lui rendre la monnaie de sa pièce.
Je m’allongeai donc sur mon lit et composai son numéro. Il décrocha vite.
« Vincent ? C’est… c’est Loïc.
Salut Loïc. Comment ça va ?
Je te dérange ?
Non. Je suis tout à toi. »
Je souris et nous discutâmes un moment. Il s’excusa à plusieurs reprises de son comportement passé. Je ne tardai pas à retomber sous le charme, oubliant que la fausse raison de mon appel était la vengeance, oubliant que je souhaitais annihiler mes sentiments pour Gaëtan, oubliant presque Gaëtan lui-même. Nous restâmes plusieurs heures au téléphone avant de nous décider de convenir d’un rendez-vous dans les jours à venir. Nous nous retrouvâmes alors dans un café du centre-ville. Nous parlâmes de nos vies.
Depuis la fin du Collège, mon petit-ami s’était inscrit dans un CAP mécanique. Il avait rencontré un autre jeune homme avec qui il était sorti un moment. Cette relation lui avait permis d’accepter entièrement son homosexualité et une fois son diplôme en poche, il avait tout avoué à ses parents. Son père s’était mis dans une colère noire et l’avait mis à la porte. Devant la difficulté, son petit-ami du moment l’avait quitté. Vincent était donc allé donc frapper à la porte de l’un de ses anciens professeurs qui l’avait parrainé durant ses études et lui avait apporté son soutien. Cet homme l’avait hébergé quelques temps. Il l’avait aidé à trouver du travail et s’était porté caution pour le studio qu’à présent il occupait. Depuis, il le voyait régulièrement, lui et sa femme. Ils étaient devenus amis.
Nous nous redécouvrîmes et un léger flirt s’installa entre nous. Néanmoins, nous nous quittâmes en simple ami.
Ce ne fut qu’à la fin de notre deuxième rencontre qui se déroula dans le même café, à discuter et à flirter sagement, que le ton changea. Alors que Vincent me raccompagnait chez moi, à pied, – bien que je lui eusse dit que ce ne fût pas nécessaire – il m’arrêta par le bras alors que nous étions sur le point de tourner dans ma rue.
« Qu’est-ce qu’y a ? Tu sais que c’est ma rue ? » lui demandai-je étonné de son geste.
Il jeta un coup d’œil aux alentours comme pour s’assurer qu’il n’y eût personne.
« Je sais, » me répondit-il en s’approchant de moi. « Je sais que tu as tout dit à ta mère mais je me suis dit qu’il valait mieux pas être devant chez toi pour faire ce que je m’apprête à faire. »
Sur ces mots, il approcha doucement son visage du mien. Je ne bougeai pas. Mon regard passait de ses yeux à sa bouche dans un battement de cils langoureux. Le ton était donné. Je savais pertinemment ce qu’il voulait faire et n’avais aucune envie de l’en dissuader. Avec une extrême lenteur, il vint effleurer mes lèvres des siennes. Puis, il recula un peu la tête pour encrer son regard dans le mien et ainsi tenter de sonder mon esprit. Constant que je ne lui fisse aucune résistance, il s’approcha à nouveau avec la même prudence. Bien que je m’amusasse de sa soudaine timidité, je ne tardai pas à répondre à son baiser. Nos lèvres se frôlèrent avec douceur. Je profitai de sa tendresse. Nos corps n’avaient pas bougé d’un millimètre. Nous étions tels deux jeunes adolescents pré-pubères qui n’osaient s’approcher l’un de l’autre. C’était un baiser tendre, amoureux. Le temps semblait s’être suspendu.
Puis la passion fit irruption. La bouche de Vincent devint plus avide. Sa langue alla chatouiller mes lèvres et se fraya un chemin jusqu’à sa jumelle qu’elle enlaça. Je posai une main sur son torse et la fis glisser lentement derrière sa nuque. Je le tirai à moi pour approfondir ce chaleur baiser qui me faisait tout oublier. En réponse, il posa ses mains sur mes hanches et me plaqua contre lui. Puis, il me poussa jusqu’au mur de clôture de la demeure qui faisait l’angle entre ma rue et celle où nous étions. Mon corps s’embrasait entre ses doigts. Notre étreinte était bien différente de celles que nous avions eues par le passé. C’était torride et pourtant si doux. Nos langues se caressaient mutuellement. Nous nous observions à travers nos paupières mi-closes. Je passai mes doigts dans ses cheveux châtains, jouant de mes ongles sur son cuir chevelu. Il effleurait la peau de mes hanches de ses pouces sans chercher à aller plus loin sous mes vêtements. L’obscurité de la nuit nous enveloppait et nous oublions où nous étions. Tout ce qui comptait c’était cet instant, ce baiser que nous partagions.
Mais la lumière des phares d’une voiture, qui passait dans la rue, nous éblouit. Nous nous dégageâmes l’un de l’autre. La réalité du lieu nous revint en mémoire. Vincent s’écarta de moi et me sourit. D’une main délicate, il remit en place une de mes mèches de cheveux. Puis, il rougit de son geste amoureux et baissa la tête. Je le regardai en silence, un sourire amusé accroché aux lèvres. Il avait raison quand il disait qu’il avait changé. L’entreprenant et sûr de lui Vincent n’était plus. J’aurai pu tomber amoureux de ce nouvel homme. Il était charmant, tendre, attentionné. Et comble du bonheur, je ne pensais plus à Gaëtan lorsque j’étais avec lui. Cependant, il fallait que je fisse attention. Il ne fallait pas que je me précipitasse dans ses bras. Pour mon propre bien, je devais aller doucement, ne pas m’aventurer à corps perdu dans cette relation naissante. Je ne faisais pas encore assez confiance à Vincent.
Une nouvelle voiture passa à côté de nous et me sortit de mes pensées. Je donnai un rapide baiser à Vincent.
« Faut que j’y aille, » fis-je avant de m’engager dans ma rue.
Je lui lançai un baiser de ma main et courus presque jusqu’à chez moi, un sourire éclairant mon visage. Malgré mes hésitations, j’étais heureux. Le baiser que nous avions échangé donner une nouvelle dimension à notre histoire. Je sentais au fond de moi que nous avions fait table rase du passé. Tout était différent maintenant.

Le lendemain, je devais paraître béat car mes camardes de classe ne cessèrent de me harceler de question sur ma soudaine bonne humeur. Mais je ne dévoilai rien, pas même à Gaëtan. Je ne savais pas encore ce qu’il en était réellement entre moi et Vincent et ne souhaitais pas précipiter les choses. Si cela venait à prendre une tournure plus sérieuse, je ne manquerai pas de partager mon bonheur avec mon meilleur ami. Cependant, j’avais encore des hésitations plein la tête, hésitations qui ne furent plus de mise dès la sortie des cours.
Alors que je quittais l’enceinte du lycée en discutant et rigolant avec mes amis, je vis Vincent qui m’attendait, adossé à sa Clio blanche première génération. Quand il me vit, il afficha son plus beau sourire. Faisant fi de toutes les personnes présentes, y comprit Gaëtan, je me précipitai sur lui. Prenant sa tête entre mes mains, je l’embrassai, heureux de la surprise qu’il me faisait. Il passa ses bras autour de ma taille et me tira à lui, me rendant mon étreinte. Oubliant le reste du monde, nous restâmes un moment enlacés partageant ce tout nouveau baiser plein d’émotions. Puis, je vins caler ma tête dans son cou.
« Je suis content que tu sois là.
On y va ?
- Où ? » demandai-je en fixant mon regard dans le sien.
« Où veux-tu aller ? »
Je repris ma place dans son cou.
« Je sais pas, » répondis-je enfin, un peu hésitant.
J’avais envie d’être seul avec lui. Je ne souhaitais pas retourner dans ce café où par deux fois nous nous étions retrouvés. Mais si nous restions seuls, j’avais peur que notre désir l’un de l’autre ne vînt à nous submerger et nous entraînât à perdre le contrôle de nos propres corps. Et je n’avais pas envie de cela.
« Dis, ce Gaëtan que j’ai croisé à l’hôpital, il y a quoi entre vous exactement ?
C’est mon meilleur pote, pourquoi ?
Ben, il n’arrête pas de nous regarder et on dirait qu’il a envie de m’arracher la tête.
Quoi ? »
Je me reculai un peu et tournai la tête vers mes amis qui étaient restés en retrait. Je vis alors Gaëtan dévier son regard au même moment. Que lui arrivait-il encore ? Je haussai les épaules. À ce moment-là, je ne voulais pas me torturer l’esprit pour essayer de comprendre mon ami. J’avais juste envie d’oublier. J’embrassai à nouveau Vincent d’un baiser prude.
« Tu veux qu’on aille chez moi ? »
Oubliant toutes mes craintes, j’acquiesçai, puis, sortis de ses bras qui m’enlaçaient pour me tourner vers mes camarades.
« J’y vais les gars, » leur criai-je.
« Ok. À demain, » répondit l’un deux.
« Ouais. Et tu nous raconteras ? » fit un autre.
Je souris en secouant la tête. Je leur fis au revoir d’un signe de main avant de m’engouffrer dans la voiture de Vincent, du côté passager. Gaëtan me lança un regard courroucé que je ne compris pas. Tant pis ! Nous en parlerions demain.
Vincent m’amena dans son petit studio où nous passâmes toute l’après-midi. Nous bûmes un café puis nous nous installâmes sur son lit, enlacés dans les bras l’un de l’autre. Nous ne fîmes pas l’amour. Je crois que Vincent comprît que je ne souhaitais pas me précipiter. Nous parlâmes de tout et de rien, nous embrassâmes de temps en temps, nous caressant tendrement sans chercher à aller plus loin. Nos gestes étaient doux, agréables. Je me sentais bien dans ses bras. Je ne pensais plus à Gaëtan. Je ne pensais qu’à Vincent. Nous finîmes par nous endormir.

Lorsque je me réveillai, la nuit était tombée. Il était minuit passé et la première chose qui me vint à l’esprit, fut le visage de ma mère, morte d’inquiétude. Je n’avais pas pour habitude de découcher et lorsque je le faisais, je la prévenais toujours.
« Merde. »
Je tombai du lit en essayant de me lever et fis un boucan de tous les diables qui réveilla Vincent.
« Qu’est-ce qu’y se passe ? » demanda-t-il d’une voix ensommeillée.
« Rien. Attends. »
Agenouillé sur le sol, je pris mon téléphone et composé le numéro de la demeure familiale. Ma mère décrocha dès la première sonnerie. Comme je le pensais, elle n’était pas allée se coucher en attendant que je donnasse signe de vie.
« Loïc ? » demanda-t-elle d’un ton désespéré.
« Maman. Je vais bien. Je suis désolé. Je suis chez un copain et on s’est endormi. Je vais pas tarder à rentrer donc ne t’inquiète pas d’accord ? J’arrive tout de suite.
D’accord. »
Je sentis à sa voix que l’inquiétude avait maintenant laissé place à la colère. Je raccrochai et expirai fortement, afin de me préparer à recevoir les foudres qui allaient bientôt s’abattre sur moi. Je me tournai vers Vincent qui ne m’avait pas quitté des yeux et lui fis un sourire peiné. En voyant mon expression, il se mit à rire.
« C’est bon, j’te ramène. Faudrait pas que Madame Dragon s’impatiente. »
Je ris presque en entendant ce vieux surnom. Connaissant la sévérité avec laquelle ma mère m’avait élevé, Vincent l’avait affublé de ce pseudonyme lorsque nous étions encore au Collège. L’unique fois où il avait croisé ma mère, elle était très remontée contre moi. Il avait alors dit qu’on pouvait voir des flammes vaciller dans ses yeux et de la fumée s’échapper de ses oreilles. L’image m’avait fait rire.
Il me raccompagna donc en voiture, et me quitta non sans me donner un dernier baiser afin de me souhaiter bonne nuit. Dès que j’ouvris la porte, ma mère se précipita sur moi et me passa le plus gros savon de ma vie. J’essayai tant bien que mal de ne pas sourire parce qu’avec l’après-midi que j’avais passé, je ne pouvais m’empêcher d’être heureux. Mais, je crois que ma mère s’en rendît compte car elle ne me consigna pas. Une fois sa colère calmée, elle prit mon visage entre ses mains et m’embrassa sur le front.
« Et il s’appelle comment ce garçon ? »
Là, je ne pus retenir mon sourire.
« Vincent.
Et tu penses que tu me le présenteras un jour ?
Peut-être. Mais pas tout de suite.
D’accord. »
Notre petit échange m’avait mené la larme à l’œil. Je la pris dans mes bras. Jamais je n’aurais cru avoir ce genre de conversation avec ma mère. Je pensais vivre le plus beau jour de ma vie. Elle m’embrassa sur la joue et se dégagea de mon étreinte.
« Et Gaëtan ? » me demanda-t-elle, d’une voix hésitant.
« Quoi Gaëtan ?
Ben, depuis que tu m’as dit que tu… » Elle cherchait ses mots : « … préfères les garçons, j’ai toujours cru que tout les deux…
Non, maman. Non, non, voyons, » la coupai-je, sachant pertinemment que je n’étais pas convainquant. « Gaëtan et moi, on est seulement amis. Il est hétéro. »
J’avais ajouté cette dernière phrase comme si elle résumait toute la situation. Et quelque part c’était un peu le cas. Gaëtan était hétérosexuel et c’était pourquoi il n’y avait jamais rien eu et qu’il n’y aurait jamais rien entre nous. Parce que même si à ce moment-là, j’étais heureux avec Vincent, comme je ne l’avais jamais été auparavant, même si j’oubliais Gaëtan dans ses bras, je ne pouvais pas m’empêcher d’aimer mon meilleur ami et me disais même que peut-être, je l’aimerai toute ma vie. Mais je refusai de me noyer dans cet amour à sens unique et Vincent était ma bouée. Cependant, je ne pouvais pas dire ça à ma mère.
Je lui souris timidement et l’embrassai sur la joue avant de lui souhaiter bonne nuit et d’aller me coucher.
Dans les jours qui suivirent, Vincent ne m’apporta que tendresse et douceur salvatrice. J’étais enfin heureux. Toutefois, Gaëtan se reprenait à m’éviter et de ce fait, je n’avais même pas pu le voir pour lui parler de mon nouveau petit-copain. Je ne comprenais plus mon ami. Je le trouvais injuste envers moi. J’étais bien à ses côtés lorsqu’il sortait avec Dora. Je l’avais soutenu dans sa démarche même si cela ne me plaisait pas. Puis, nous nous étions enfin réconciliés. Alors pourquoi ce virement de situation ? Pourquoi me fuyait-il ? Que cherchait-il à me cacher ?
J’étais de plus en plus peiné de son comportement et Vincent s’en rendit compte. Mais je ne dévoilai rien du mal qui me rongeait. Je ne souhaitais pas parler de Gaëtan avec lui. Je voulais séparer les deux univers dans lesquels ils vivaient, d’autant plus que je me sentais en sécurité dans le monde Vincent. Je refusais d’y faire entrer l’incertitude qui régnait dans celui de mon meilleur ami. J’aimais ma vie telle qu’elle était et me lassais des sauts d’humeur de Gaëtan. Il était hors de question que je fisse d’autres compromis. Du moins, c’était ce que je pensais à l’abri dans les bras de mon petit-ami. En revanche, dès que je voyais mon bien-aimé, toutes mes résolutions volaient en éclat. J’étais complètement perdu, ne sachant que faire.

Mais je vous raconte ma vie encore et encore. Mais et vous ?...


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