Mot de l'auteur : Je dédis cette histoire à tous ceux qui ont connus des persécutions au lycée et qui ont souvent rêvé de se venger. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est une petite vengeance qui se finit bien.
« Il va me le payer. »
Moi, Aurélien, je me le jure, Rafael subira ma vengeance. Je ne sais pas encore quand. Je ne sais pas encore comment. Mais je vais faire regretter à ma Némésis ces deux années de moqueries acharnées, de blagues graveleuses et tout aussi explicites, de critiques acerbes et injustifiées. Pour tout cela, il va payer.
« Rafael me le payera, » me promets-je encore une fois en donnant un coup de pied dans le montant de mon lit.
Je m’affale sur mon matelas, accablé par les évènements de la veille. Puis, la colère disparaît momentanément pour laisser place à une profonde tristesse. Je me recroqueville sur moi-même et tente de retenir les larmes qui me montent aux yeux. Je repense à la dernière blague bancale que je lui ai faite en cours de chimie et je réprime un rire triste.
« Rafael, t’es comme un chien avec une patte en moins. On t’aime bien mais tu fais un peu pitié.
- Tu l’as trouvé où celle-là ? Dans Jeune & Jolie ? » avait-il rétorqué du tac-o-tac.
Bien sûr, je n’avais rien trouvé à lui répondre à part un « non » pitoyable. Alors j’avais préféré ne rien dire. Il a le don pour me rendre minable. Je ne suis pas assez vif pour trouver des réparties cinglantes. Je réfléchis trop lentement. Trois jours plus tard, je ne sais toujours pas ce que j’aurai pu lui répliquer pour le faire taire. Il a peut-être raison après tout. Je suis peut-être un idiot.
À cette idée, les pleurs roulent sur mes joues. Ma bouche s’emplit d’un goût salé. La colère revient et me fait serrer les poings. Je suis furieux contre lui et contre moi de le laisser m’atteindre ainsi. J’étends mon corps et je frappe furieusement le matelas afin d’évacuer ma frustration. Mais rien y fait et la peine m’envahit à nouveau. Au fil de mes réflexions, je passe d’un sentiment à l’autre en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Je suis complètement désarmé face à cet individu et je n’arrive pas à me stabiliser dans une unique sensation. Alors, afin de faire remonter ma colère plutôt que ce stupide sentiment de chagrin, j’essaye de me remémorer comment tout cela à commencer.
Je me souviens qu’au collège, j’avais croisé quelques fois mon ennemi juré – qui ne l’était pas encore – dans la cour de l’école ou lors de soirées organisées par des amis communs. Et là, est le problème. Ces amis conjoints m’empêchent de me soustraire aux attaques de mon adversaire et je ne vais tout de même pas changer de groupe d’amis afin d’échapper à la persécution que je subis. Cela ferait trop plaisir à Rafael.
Mais si à l’époque nous ne nous étions jamais parlé, ce fut lors de l’entrée au lycée que tout changea. Le destin voulut nous réunir dans la même classe et ce, pour trois années consécutives. Ce fut là que je pris réellement connaissance de l’existence de Rafael et à mon grand damne, qu’il prit également conscience de la mienne. Il ne lui fallut pas longtemps pour me prendre en grippe et faire de moi son souffre douleur. Toujours accompagné de ses trois acolytes qui lui obéissent au doigt et l’œil, il faisait de ma vie un enfer.
Je ne sais pas pourquoi Rafael est aussi corrosif avec moi. Il est pourtant le genre de personne qui n’a pas à se soucier du regard des autres. Bien qu’il ne soit pas très grand en comparaison de nos camarades, il a pour lui une vivacité d’esprit inégalable. Si je lui envie bien quelque chose, c’était son intelligence. Bien sûr, comme tout adolescent en crise qui se respecte, Rafael ne fait pas profit de son don afin d’obtenir de bons résultats scolaires. Aussi, il est facile de dire qu’il est le type de gars que l’on qualifierait de « cool ».
En plus de cela, on peut dire de lui qu’il est quelqu’un de beau. Il a une peau légèrement halée, un visage carré, une bouche délicate, un nez droit, des yeux clairs, des sourcils épais et une épaisse touffe de cheveux châtain foncé toujours en bataille. Il a un corps mince et pourtant, on pourrait aisément deviner un corps d’athlète sous ses vêtements hors de prix de skateur. Et par-dessus tout, ce qui a marqué mon esprit, ce sont ses mains longues et fines qui donnent envie de les embrasser. Parce qu’il faut bien avouer que si je déteste le bonhomme pour toutes les misères qu’il me fait, Rafael est si beau que je ne peux m’empêcher de le désirer.
Et peut-être est-ce pour cela que le bel Apollon avait autant de ressentiments envers ma personne ? Peut-être avait-il sentit mes regards chargés de convoitise se poser sur lui ? Car, tout le monde est au courant, je suis gai. Oui, j’ai souvent fantasmé sur ce corps magnifiquement robuste et à l’apparence si fragile. J’en ai envie et m’interdis cependant à laisser paraître quoi que ce soit. Mais, si Rafael se doute de quelque chose, je n’ai pourtant jamais pu lire du dégoût dans ses prunelles. En effet, s’il est bon menteur, je n’ai aucun mal à lire ses pensées lorsque je le regarde dans les yeux. Et malheureusement pour moi, j’y lis une telle arrogance que j’ai l’impression de n’être qu’un moins que rien face à lui. Aussi, j’ai fini par prendre le parti de ne plus jamais le regarder dans les yeux. Ce que j’y avais vu des centaines de fois avait eu raison du peu d’assurance que l’adolescent mal dans sa peau que je suis, a.
Nous ne sommes pas faits pour nous entendre. Néanmoins, ce qu’il s’est passé hier soir m’incite à me rebeller contre cette soumission naturelle qui s’est installée entre nous. Je ne peux pas continuer comme cela sans rien faire. Il est hors de question que je le laisse m’humilier de la sorte. Et de cela, j’en pris conscience lors de la soirée organisée afin de fêter notre entrée en Terminale, tandis que je surpris une conversation me concernant.
« Putain. Qu’est-ce qu’il peut me faire chier cet’Aurélien. »
C’était Rafael qui venait de parler et l’entendre prononcer mon nom avait attiré mon attention. Je me trouvais assis avec quelques amis. Lorsque j’entendis mon prénom, je cessai de prendre part à la conversation que l’on menait à côté de moi pour me concentrer sur celle qui se déroulait à l’autre bout de la pièce. Rafael n’était pas du genre à baisser la voix aussi, malgré le bruit environnant et la distance, je n’eus aucun mal à l’entendre.
« Tu veux pas lui foutre la paix, un peu ? Je ne sais pas ce qui te dérange chez lui, » répliqua Julian.
Bien que ce dernier fasse partie des amis proches de Rafael, il s’est toujours montré conciliant avec moi, intervenant même lorsqu’il trouvait que son camarade allait trop loin. Je l’ai toujours apprécié et je sais que peut-être, en d’autres circonstances, nous aurions pu être amis.
« Qu’est-ce qu’il t’arrive ? T’es amoureux ? » plaisanta un dénommé Christopher en laissant échapper un rire niais.
Rafael le fit taire d’un regard et son ami faillit s’étrangler.
« Il m’énerve, » répondit le châtain. « Je le trouve con et ça m’énerve.
- Tu ne lui as laissé aucune chance, » rétorqua Julian. « Comment tu peux dire qu’il est con alors qu’à chaque fois que tu lui parles c’est pour l’emmerder ?
- Ça c’est bien vrai, » renchérit Patrice.
« Mais ta gueule ! » le fit taire Rafael. « Toi et Chris vous n’avez pas le droit de me faire la morale alors que vous vous gênez pas pour l’emmerder avec moi ! »
Les deux nommés baissèrent les yeux et n’osèrent plus rien dire.
« Peut-être que c’est qu’il soit gay qui te dérange ? » suggéra Julian.
« Arrête ! Tu sais très bien que j’en ai rien à foutre qu’il aime se faire enculer ! »
Le petit groupe se tut pendant un moment où Rafael sembla se perdre dans ses réflexions.
« Mais j’me demande c’qu’il vaut au pieu qu’en même ! »
Cette phrase me fit l’effet d’un coup de poing. Je ne savais pas vraiment comment réagir. Devais-je sauter de joie ? Ou devais-je me sentir vexé ? Je sentais le regard de Rafael sur moi et j’espérais ne pas donner l’air d’écouter leur conversation. Cependant, pour la première fois depuis que je le connaissais, je n’arrivai pas à interpréter son regard.
« Ça tu le sauras jamais, » fit Julian.
« Tu paris.
- Quoi ? » s’interloquèrent les trois autres en cœur.
« Ben, quoi ? Un petit pari sur la tête de ce gros con, ça vous tente pas ?
- Qu’est-ce qu’tu proposes ? » demanda Christopher, intrigué.
« Ça sera sans moi ! » fit un Julian atterré, en se levant.
« Allez, Jules. Tu vas pas faire ta chochotte, » tenta de le retenir Rafael.
« Je ne fais pas ma chochotte mais tu vas trop loin. Je ne veux pas participer à ça.
- Tu lui dis rien. »
Le ton employé par Rafael était sans équivoque. Cette dernière phrase avait sonné comme un ordre que l’on ne pouvait contredire. Julian s’éloigna du groupe sans ajouter un mot. Je le remerciai intérieurement, alors que les autres continuaient à des termes du pari.
« Je vous paris cinquante euros que je me le tape d’ici Noël.
- Attends ! C’est trop facile, » s’interposa Patrice. « Ça ce voit que ce mec en pince pour toi. Tu as un mois.
- Sérieux ? Faire ça avec un mec ? » fis Christophe, l’air visiblement dégoûté par cette idée.
« Je me suis toujours demandé ce que ça fait d’être avec un mec. Quoi t’es pas curieux ?
- Non.
- T’inquiète pas. J’vais pas me transformer en tapette. Mais t’as pas envie de le voir pleurer ?
- Ok. Tu as deux semaines, » se résigna Christopher. « Faudrait pas te facilité la tâche qu’en même. C’est de toi dont on parle. Tu peux emballer n’importe qui en un mois. »
Rafael les jaugea du regard quelques minutes puis, il accepta le deal. Mon cœur se serra. Je me sentis soudainement sale. Ils venaient de mettre un prix sur mon corps ce qui me faisait l’effet d’être un prostitué et un bas de gamme en plus. J’eus la nausée. Oui, j’avais envie de Rafael mais je ne pouvais me rabaisser à coucher avec lui alors qu’il avait parié là-dessus. La colère m’envahit. Je n’accepterai pas d’être humilié de la sorte. Quelques heures plus tard, je quittai la fête avec la ferme intention de ma venger de cet affront.
Dans ma chambre, je me lève et vais m’observer quelques minutes dans ma psyché. Vaux-je réellement seulement cinquante euros ? Il est vrai que je manque d’attraits. J’ai un physique des plus banals. Ma taille se trouve dans la moyenne mais je suis tout de même plus grand que Rafael. Je suis presque trop maigre et je ne sais pas me tenir droit. J’ai des cheveux noirs coupés court. J’ai un visage de forme ovale, des lèvres fines, un nez en trompette, des yeux noisette qui virent au noir selon le temps ou mon humeur, des sourcils épais et broussailleux, des joues creuses. Quant à mes vêtements, je n’y fais pas vraiment attention. En règle générale, je choisis d’amples vêtements derrière lesquels je cache mon corps disgracieux. Je n’ai rien de la beauté que l’on peut trouver chez Rafael ou d’autres. Il est évident que je ne corresponds pas aux canons de beauté mais de là à ne m’attribuer que cinquante euros, je trouve cela plutôt désarmant.
D’autant plus que ce n’est pas seulement à mon physique que l’on attribut une somme si dérisoire mais à ma personnalité même. Rafael et ses amis pensent que je serais assez stupide pour me laisser prendre par leur petit jeu. Ils croient que je ne serais pas difficile à convaincre. Ils me prennent pour un « Marco couche-toi là ! ».
Il faut que je trouve un moyen de me venger et d’écraser Rafael comme il tente de me le faire. Il n’était pas question que je subisse cela.
La vengeance est un plat qui se mange... by LoalAnn est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de Modification 2.0 France.
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TT_TT te laisse pas faire Aurélien !! ( je veux pas aller au lycée l'année prochaineuuuuh y_y )
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ton style d'écriture, je fonce lire la suite!
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