lundi 7 septembre 2009

Et vous ?... (Fiction Yaoi) - Chapitre 06


Puis, ce fut enfin les vacances de Noël. Mais loin de me réjouir de faire une courte pose dans mes études, j’étais peiné de savoir que je ne verrai sans doute pas Gaëtan pendant deux semaines. Et ce fut le cas. D’ailleurs, s’il n’y avait pas eu ma mère et mon frère, je n’aurais vu personne. Je fêtai tout de même le nouvel an avec mes camarades de lycée, mais n’y vis pas mon meilleur ami. Je quittai tôt la fête où Gaëtan n’avait pas été convié ou n’avait pas daigné venir. De mon côté, j’avais d’abord refusé l’invitation mais devant l’insistance de mon frère qui ne trouvait pas normal que l’on restât tout seul pour le nouvel an, je m’étais pointé à la dernière minute, sans mettre annoncé, avec une bouteille de champagne.
Enfermé dans ma chambre, à remuer mes idées noires, à discuter sur des forums, je trouvais le temps long. Puis, le dernier vendredi avant la rentrée, Gaëtan apparut à ma porte, la mine défaite. Je lui tendis mes bras qu’il rejoignit aussitôt.
« Je n’ai pas envie d’en parler, » me dit-il avant même que je n’ai eu le temps de poser la moindre question.
Nous passâmes le week-end tout les deux. Si la première nuit, il me sembla l’entendre pleurer, le lendemain, il retrouva son sourire légendaire. Nous discutâmes de tout et de rien, en n’abordant pas le sujet interdit. Nous rigolâmes comme au bon vieux temps où nous nous parlions encore. Je retrouvai mon meilleur ami. C’était magique.
Puis le lundi arriva – bien trop vite à mon goût – et avec lui, la plus grosse dispute que le couple Dora-Gaëtan ait connu. Elle se déroula dans la cour pendant la pause de dix heures, à l’attention et aux vues de tous, comme c’était devenu une habitude. Je ne sus pas ce qui déclencha la querelle et n’assistai pas à son commencement. Mais très vite les voix se firent plus fortes et l’ensemble des élèves présents dans l’enceinte du lycée purent profiter du spectacle.
« Non, mais c’est pas vrai. Tu vas arrêter de me parler tout de temps de lui. C’est soûlant à la fin. » s’énerva mon ami.
Je m’approchai du couple pour lui conjurer de se calmer, mentionnant le fait que tout le monde les regardait.
« Toi, te mêle pas de ça ! » m’ordonna Gaëtan.
Je fis un mouvement de recul pour encaisser le coup verbal qu’il venait de me prodiguer.
« Lui parle pas comme ça ! » rétorqua Dora.
Je fus encore une fois surpris de sa réaction. Pourquoi me défendait-elle ? Et surtout de quel droit ?
« Putain, mais c’est pas vrai. Y’en a plus que pour lui. Si tu le trouves si génial tu n’as qu’à sortir avec lui ! » s’exclama mon bien-aimé.
« J’en ai bien l’intention. »
Là, je regardai cette chère Dora, bouche bée. Qu’est-ce qu’elle racontait ?
« La seule raison pour laquelle je suis sorti avec toi, c’est pour pouvoir me rapprocher de lui, » ajouta-t-elle. « Tu es si pathétique. Qui voudrait sortir avec toi ? »
Moi, j’avais légèrement envie de lui mettre mon poing dans la figure ou de lui cracher au visage. J’hésitais.
« Mais pauvre cloche, » répondit Gaëtan. « Qu’est-ce que tu veux qu’il s’intéresse à une fille comme toi, il est gay ! »
Ça y était. Les mots fatidiques étaient prononcés. Tout le monde se tut et tous les regards se tournèrent vers moi, même celui de mon meilleur ami qui venait de réaliser ce qu’il avait fait. Mon coming-out ! Il avait fait mon coming-out, là, dans la cour du lycée, devant tous les élèves, professeurs et surveillants que comptât l’établissement. Il avait osé faire ça, me faire ça. J’étais rouge de honte. Gaëtan n’osait rien dire et me regardait peiné, les mots d’excuse refusant de sortir de sa bouche grande ouverte. Celle de Dora aussi était bée et ses yeux écarquillés, prêts à sortir de leurs orbites, me regardaient d’un air stupéfait. Tout le monde m’épiait. Et bien vite, un brouhaha de murmure s’ensuivit. Je ne savais plus du tout où me mettre. Ce fut pourquoi je me précipitai vers le portail de la grille et sortis du lycée en courant.
Dans ma tête revenait encore et encore la dispute du couple. Les propos de Dora m’horrifiaient. M’imaginer avec elle – non pas parce qu’elle était une fille mais plutôt parce qu’elle était elle – me rendait nauséeux. Je ne pus aller bien loin. Je m’engouffrai dans une ruelle accolée à l’établissement d’enseignement que les étudiants avaient l’habitude d’occuper pendant la pause déjeuner pour venir y manger des sandwichs et y fumer de l’herbe. Je m’appuyai contre le mur et régurgitai mon maigre petit déjeuner dans le caniveau. Heureusement, je n’avais pas mangé grand-chose car, depuis quelques jours, je souffrais de maux d’estomac.
Je ne dus pas attendre bien longtemps avant d’être rejoint par Gaëtan qui s’en voulait énormément. Quand il me vit malade, il paniqua. Il n’imaginait sûrement pas que sa révélation me mettrait dans cet état là.
« Ça va ? »
Je lui fis un petit sourire de complaisance pour lui répondre. Non, je n’allais pas bien. J’étais sous le choc et il avait été rude. Il s’approcha de moi en évitant la flaque que j’avais faite et mit son bras autour de mes épaules.
« Allez viens. Je te ramène chez toi. T’es tout pâle… Presque vert, j’dirai, » ajouta-t-il en faisant une grimace.
Je le trouvai drôle mais n’eus pas le cœur à rire. Je me dégageai doucement de son étreinte.
« Ça va. Je vais renter tout seul. J’ai besoin d’être un peu seul là.
Ok. Mais laisse-moi te raccompagner. Je ne dirai rien et une fois que tu seras arrivé à destination, je promets que je te laisserai tranquille. »
Après un moment d’hésitation où je tentai de sonder sa détermination pour me rendre compte qu’il n’accepterait aucun refus, j’acquiesçai et le suivit. Mais je ne pus faire deux pas. Une vive géhenne me déchira les entrailles et m’obligea à me recroqueviller sur moi-même en poussant un hurlement de douleur. Je fermai les yeux, tremblant de tous mes membres. Gaëtan se tourna vers moi.
« Hé, Loïc ! Fais pas l’con. Qu’est-ce qui t’arrives ? »
Il était complètement paniqué et je ne pouvais prononcer aucun mot. Je serrais les dents pour ne pas crier à nouveau.
« Loïc ! »
Il s’accroupit à mes côtés et constata que quelque chose n’allait pas. Je le vis sortir son portable du coin de l’œil et composer un numéro.
« Allô, j’ai un ami qui se sent pas bien. Il tremble comme une feuille, assis par terre et il est tout blanc. Il se tient le ventre et il vient juste de vomir… » Puis après un temps, où l’opérateur des urgences devait lui parler, il ajouta : « À la sortie du lycée Albert Camus. »
Il écouta encore les recommandations de son interlocuteur, puis raccrocha. Il me caressa le dos dans un geste qui se voulait réconfortant. Je remarquai qu’il avait les larmes aux yeux. Peut-être s’en voulait-il pour quelque chose, dont apparemment il n’était pas fautif ? Ou peut-être avait-il tout simplement peur pour moi ? Je n’arrivais plus à réfléchir correctement. La douleur était de plus en plus vivace à tel point que je ne pus la supporter plus longtemps et sombrai dans les ténèbres.

Quand je me réveillai, j’étais dans une chambre d’hôpital. Ma mère et Gaëtan, qui me tenait la main, assis sur une chaise, la tête posée sur le lit, étaient à mon chevet. Je ne pus m’empêcher d’esquisser un sourire en le voyant. Mon bien-aimé était auprès de moi. Soudain, je sentis à nouveau le poids de mon corps et avec lui, une douleur au niveau de l’abdomen. Je grimaçai. Gaëtan releva la tête en me sentant bouger. Il fit un sourire peiné.
« Comment tu te sens ? » demanda-t-il.
« Douloureusement. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Tu m’as fait une de ses peurs ! »
Ma mère, en entendant notre conversation, se rapprocha du lit et vint me passer une main maternelle sur le front.
« Tu as eu une crise d’appendicite, » m’informa-t-elle. « Les médecins ont dit que tu devais souffrir depuis un moment parce que quand tu es arrivé ton appendice était sur le point d’éclater. Heureusement, ils ont réussit à te sortir de là. » Elle s’arrêta un moment, sans cessez de me caresser les cheveux, puis ajouta dans un sourire timide : « Tu veux me tuer, c’est ça ? Après ce qu’il s’est passé avec ton frère, tu veux me faire faire une crise cardiaque ? »
« Désolé, » fis-je en lui rendant son sourire.
Elle se pencha et m’embrassa le front.
« Les médecins ont dit aussi que c’était peut-être psychosomatique. Alors, mon chéri, dis-moi ce qui te tracasse.
Rien, maman. Les crises d’appendicite ça arrive à plein de gens. Je vais bien, ne t’inquiète pas. »
Gaëtan me regardait avec insistance. Il ne croyait pas un mot de ce que je venais de dire mais n’ajouta rien en présence de ma mère.
« Bon, d’accord. Je vais leur dire que tu es réveillé. Puis j’appellerai ton frère pour le rassurer.
Merci, maman. »
Elle quitta la pièce en fermant la porte derrière elle. Je me tournai alors vers mon ami qui n’avait pas arrêté de me couver du regard.
« Bon. Ta mère est parti maintenant, alors tu peux me le dire à moi ce qui ne va pas.
Mais rien. Tout va bien. Qu’est-ce que tu veux qui n’aille pas ?
Écoute. Je sais que j’ai pas été trop là pour toi ces derniers temps avec Dora et tout mais on est toujours potes, hein ? Même si j’ai foiré toute à l’heure ?
Bien sûr qu’on est toujours potes, » le rassurai-je en lui caressant la joue.
Il me tenait toujours la main droite et prit la gauche de la sienne libre. Il déposa un baiser dans le creux de ma paume. On se sourit et passâmes à autre chose : Dora ! J’appris que cette chère Dora avait réellement des vues sur moi et que le comportement étrange de mon meilleur ami était dû à de la jalousie. Apparemment, sa dulcinée n’arrêtait pas de vanter mes mérites à la moindre occasion ce qui avait eu le don de l’énerver. Ce que je pouvais comprendre tout à fait. De plus, pour parer à ce genre de situations, il s’était éloigné de moi en espérant faire taire sa petite-amie. Mais il était peiné de cette démarche, d’autant plus qu’elle n’avait pas eu l’effet escompté. Ce fut comme cela qu’il expliqua son comportement provocateur du lendemain de son anniversaire. Je lui manquai mais en même temps, il était jaloux que sa copine s’intéressât d’avantage à ma personne qu’à lui. Et il s’était aussi senti délaissé quand il m’avait vu dans les bras d’un autre homme alors que sa vie amoureuse partait en miettes.
Les jours passèrent et je restai deux semaines à l’hôpital. Gaëtan, qui s’était enfin décidé à rompre avec Dora, venait me voir tous les jours et m’affirmait que de moins en moins de monde parler encore de la révélation de mon homosexualité. Je dus tout de même en parler à ma mère car je préférais qu’elle l’apprît par moi plutôt que par un autre. À mon grand soulagement, sa réaction fut presque similaire à celle de ma tante. La différence fut qu’elle en pleura pendant une semaine entière. Mais à la suite de quoi, elle ne sembla pas culpabiliser injustement ni ne montra un quelconque dégoût à mon égard. Lorsque mon frère l’apprit, il répondit qu’il s’en doutait déjà, ne m’ayant jamais vu avec une fille. Enfin, une réplique banale question de dire quelque chose, quoi !
Puis, le dernier jour de mon séjour arriva. Gaëtan était venu me voir et on rigolait en mangeant un pot de glace vanille-fraise.
« Loïc ? Il me semblait bien avoir reconnu ta voix en passant dans le couloir. Qu’est-ce que tu fais là ? Tu vas bien. »
Quelqu’un était entré dans ma chambre dont la porte était grande ouverte. Je faillis faire tomber ma glace en voyant le nouveau venu qui me souriait allégrement. Je fis mine de m’asseoir plus confortablement, mal à l’aise, alors que Gaëtan nous observait, passant de l’un à l’autre, ne sachant pas où fixer son regard.
« Euh… Vincent ? Qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu fais là ? » finis-je par bafouiller.
« Ma petite sœur vient de se faire opérer des dents de sagesse. J’allai demander de la glace aux infermières. Mais et toi ?
Appendicite.
Punaise. Ça fait bizarre de te revoir. Comment tu vas ?
Je… Je vais bien.
Salut, moi c’est Gaëtan, » intervint mon meilleur ami qui n’avait rien perdu de la scène.
Il se leva et présenta une main à Vincent que ce dernier serra. Puis il rassit sur la chaise posée prés de mon lit.
« Vincent. Je suis un vieil ami de Loïc. On était au collège ensemble.
Mon ex… » ajoutai-je sans savoir pourquoi.
Ils se tournèrent tout les deux vers moi et j’encrai mon regard dans celui de Vincent.
« Quoi ? J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? » fis-je, légèrement irrité.
« Non. J’ai déjà fait mon coming-out, » répondit-il sur le même ton.
« Oh ! Tu as quitté ta couverture.
Oui. »
Nous nous regardâmes dans le blanc des yeux pendant un moment en silence. Gaëtan n’osa esquisser un geste. La tension était palpable.
« Écoute, Loïc. Je suis désolé de la façon dont ça s’est passé entre nous. Mais j’ai changé. Alors, t’en auras peut-être pas envie, mais ça me ferait plaisir de te revoir. Donc, je vais te laisser mon numéro, » dit-il au bout d’un certain temps, en se radoucissant.
Joignant le geste à la parole, il sortit un stylo de son sac et écrivit son numéro de téléphone sur une serviette en papier qui trainait sur la table de service.
« Voilà, » fit-il en rangeant son stylo. « Si tu veux m’appeler, tu peux. »
Sur ces mots, il quitta la chambre. Gaëtan et moi restâmes sans rien dire pendant un instant, mangeant nos glaces.
« Tu m’expliques ? » se décida mon ami.
Je haussai les épaules.
« Y a rien à expliquer. On est sorti ensemble et ça s’est pas très bien fini, c’est tout. »
Je me penchai en avant pour attraper la serviette que Vincent avait utilisée en me tenant le ventre, encore un peu douloureux. J’examinai le morceau de tissu ne sachant qu’en faire.
« Tu vas l’appeler ? »
Je haussai à nouveau les épaules.
« Je sais pas, » répondis-je en me tournant vers lui.
Il m’acquiesça en donnant des coups de cuillère dans son dessert, ne sachant que dire de plus. Il se mordit la lèvre inférieure, signe que quelque chose le préoccupé. Mais je n’osai rien dire qui aurait pu le faire fuir ou déclencher une dispute. Je sentis qu’il ne valait mieux pas aller chercher plus loin et oubliai vite l’étrange comportement de mon cher et tendre que j’avais enfin retrouvé.

Et vous ?... L’auriez-vous appelé ?


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