dimanche 30 août 2009

L'Autre (Fiction Yaoi) - Chapitre 02


Lorsque Marc se réveilla, il ne pu que sourire devant la place vide qui se trouvait à côté de lui. Sans conteste, ce garçon était plus filant qu’une anguille. Il allait et venait dans cet appartement à sa guise, toujours une fois la nuit tombée. Le trentenaire eut un petit rire en pensant qu’il s’agissait peut-être d’un vampire en mal d’amour. Cependant, aucune morsure dans le cou ne venait étayer cette hypothèse. Se laçant de ses propres idées complètement grotesques, il se décida à couper le réveil et à se lever.
Comme chaque matin, il prit une douche froide pour se réveiller, s’habilla d’un costume trois pièces très chic et alla dans la cuisine. Là, il protégea ses plats préparés la veille d’un film de plastique et leur trouva une place dans le frigo. Puis, il se servit un petit déjeuner équilibré qu’il dégusta assit à la banque de la cuisine. Une fois son jus d’orange, sa tasse de café et ses deux tartines de beurres avalés, il nettoya ce qui en restait.
Enfin, il se dirigea vers l’entrée après avoir traversé le salon et enfila son manteau d’hiver. Il ramassa sa mallette en cuir et quitta son appartement afin de se rendre sur son lieu de travail.
La matinée se déroula dans le calme, sans incident particulier. Son bureau accueillit quelques clients, vit défiler certains employés puis le jeune cadre pu enfin  quitter son bureau pour aller déjeuner. Comme à son habitude, il sortit du bâtiment de la société pour se rendre dans un petit restaurant familial qui proposait de bons petits plats allégés et peu couteux. Mais ce jour-là une surprise l’y attendait. Devant l’établissement, il vit un homme d’une trentaine d’année aux cheveux blonds ramenaient en arrière par une épaisse couche de gel coiffant. Le visage carré, il avait des yeux noisette teintés de reflets vert, de fines lèvres et un nez espiègle d’où des lunettes rectangulaires en aluminium ne cessaient de glisser. Son visage arborait un masque impassible et presque froid. Il portait un costume bon marché sous un imperméable beige et une sacoche de faux cuir marron à la main. Marc fut étonné de voir son amant dans cet accoutrement ce qui ne correspondait plus du tout à son caractère joyeux et dynamique.
Marc s’approcha de lui et de la femme qui se cramponnait à son bras, une petite brune aux formes généreuse, vêtue d’un tailleur mauve et coiffée d’un chignon.
« Eden ? »
L’homme qu’il venait d’appelé se figea et le regarda. Au nom qu’il venait de prononcer, Marc remarqua que son amant tremblait légèrement. Que lui cachait-il ? Que signifiait ce déguisement ? Et surtout qui était cette femme qui refusait de lâcher son bras ?
« Pierre. Tu le connais ? » Demanda-t-elle voyant son compagnon pâlir.
« Non, » murmura-t-il. Puis s’adressant à Marc : « Vous devez faire erreur !
Enfin, Eden, qu’est-ce que cela signifie ? » s’insurgea Marc.
Le regard du blond se teintait à présent de tristesse à la nouvelle évocation de ce prénom.
« Monsieur, je vous promet que vous faites erreur. Je ne me nomme pas E… »
Il ne pu achever sa phrase. Sa voix se brisa dans sa gorge. L’homme qui était devant Marc n’était manifestement pas son amant. Même si leur visage étaient presque identique, tout le reste – leur manière de s’habiller, de se tenir, de parler et même l’aura qu’ils dégageaient – était complètement différent.
« Pardon, » fit Marc. « Vous avez raison. Je dois faire erreur. »
L’homme qu’il avait pris pour Eden ne semblait pas se sentir bien et la femme à ses côtés qui jusqu’à maintenant suspendue à son bras, avait l’air, à présent, de l’aider à se tenir debout. Marc la regarda entrainer son compagnon dans le restaurant. Puis, il les suivit et on l’installa à une table non loin du couple. Alors que la femme lui tournait le dos, Marc ne pu s’empêcher de regarder l’homme au même visage que son amant, durant tout le temps que dura son repas. Ce dernier ne sembla pas prendre conscience de la fascination qu’il inspirait chez le jeune cadre. Il poursuivait son déjeuner, souriant parfois alors que sa compagne riait aux éclats après chacune de ses phrases. Elle flirtait impunément avec lui et il ne paraissait pas s’en rendre compte ou alors il n’était pas intéressé.
Une fois sa fascination pour ce visage passée, Marc observa l’homme prénommé Pierre dans son intégralité, faisant attention à ses gestes, son attitude, ses sourires timides. Quelque chose chez cet homme l’attirait et ce n’était pas son visage, ni son corps si semblable à celui qu’il étreignait chaque nuit depuis deux semaines. Il ne pouvait dévier son regard de cet inconnu et ce, même lorsque le jeune serveur plus que charmant lui apportait ses plats. Perdu dans sa contemplation et ne voyant pas le temps passer, ce ne fut que lorsque le couple se leva pour quitter le restaurant que Marc se rendit compte qu’il avait pris une pause déjeuner plus longue que prévue.
Il sortit du restaurant à son tour et ne pu s’empêcher de chercher du regard le couple dans la rue. Il le regarda s’éloigner et quand il ne fut plus à portée de vue, il regagna son bureau où sa secrétaire l’attendait avec un regard réprobateur.
Pierre ! Marc passa l’après-midi à penser à ce Pierre et à se demander s’il devait en parler à Eden. Même si les deux hommes semblaient d’un caractère diamétralement opposé, la ressemblance physique était trop frappante pour qu’aucun doute ne persiste quand à l’identité de l’homme qu’il avait croisé. Peut-être que son amant se prenait pour un super-héro ? Peut-être se comportait-il tel un Clark Kent blond durant la journée et dévoilé sa véritable nature une fois la nuit venue ? Cela faisait de la femme qui l’accompagnait sa Lois Lane, mais lui, qui était-il alors ? Marc sourit et écarta cette pensée saugrenue.
Peut-être que son amant n’assumait pas son homosexualité et se cachait sous ses apparats grotesques ? Mais cette idée parut toute aussi stupide. Eden n’était pas du genre à se cacher, bien au contraire. Et comment expliquer cette différence majeure entre les deux hommes ? Non. Marc était persuadé qu’il s’agissait de deux personnes bien distinctes.
Peut-être s’agissait-il de jumeaux ? Au souvenir de la réaction de l’inconnu à l’écoute du prénom de son amant, Marc était persuadé qu’il devait le connaître ou du moins, connaître quelqu’un du nom d’Eden. Mais ce nom n’était pas courant. Quelle chance y avait-il pour qu’un homme qui ressemblait comme deux gouttes d’eau au jeune homme, puisse penser à un autre Eden à l’évocation de ce prénom ? La possibilité de frères jumeaux était la plus plausible même si l’homme qu’il avait vu au déjeuner n’agissait pas comme un jeune homme de dix-neuf ans. Toute fois, même si son amant ne démordait pas quand il s’agissait de son âge, Marc avait du mal à le croire. De plus, son galant se comportait de manière bien étrange. Si le jeune cadre avait d’abord pensé que c’était sa manière d’entretenir le mystère, la rencontre qu’il venait de faire était des plus révélatrices. Son amant lui cachait quelque chose et il allait découvrir le fin mot de cette histoire.
Bien qu’aux vues de la relation qu’il entretenait avec Eden, la vie privée de ce dernier ne l’intéressait pas plus que cela, se vêtir d’un apparat de détective symbolique était une idée qui lui plaisait. Marc était de nature curieuse. Il avait besoin de savoir de quoi il en retournait. Son indiscrétion avait besoin d’être assouvie. Alors qu’il fut temps de rentrer chez lui, il décida donc qu’il devait parler à Eden de ce Pierre et voir ce qu’il en ressortirait.
Une fois la nuit tombée, comme à son habitude, le jeune homme vint sonner à la porte de son amant qui le fit entrer. Marc avait déjà dressé la table et le repas préparé la veille y fumait au centre. Eden s’assit après avoir jeté sa veste sur le canapé. Un geste qui ne correspondait pas à l’homme qu’il avait croisé plus tôt dans la journée. Marc se souvenait que le mystérieux Pierre avait déposé son imperméable beige sur le dossier de sa chaise avec une extrême précaution, presque maladive lorsqu’ils étaient au restaurant.
Le trentenaire détailla Eden un moment. La ressemblance avec ce Pierre était sans conteste même s’il s’habillait toujours comme un gamin de dix-neuf ans. Mais il était bien connu que l’habit ne faisait pas le moine. Si se vêtir de tee-shirt moulant et coloré ainsi que de jeans délavé et troué par endroit permettait de rajeunir, cela se saurait.
Marc servit son invité et lui-même avant de s’asseoir devant lui. Ils discutèrent quelques instants, de tout et de rien, moment pendant lequel le trentenaire se demandait comment aborder la question qui lui brûlait les lèvres. Puis, il finit par se décider à opter pour un ton détaché, dénué de tout soupçon. Il ne souhaitait pas braquer son partenaire qu’il savait très évasif lorsqu’il s’agissait de parler de lui.
« Au fait, j’ai fait une rencontre intéressante aujourd’hui… »
En disant cela, il cherchait à capter l’attention de son galant qui ne tarda pas à se faire entendre.
« Et ?
J’ai rencontré un dénommé Pierre. Tu le connais ? »
Un frisson parcourut l’échine d’Eden mais Marc ne remarqua rien.
« Pierre ? C’est assez courant comme nom. Qu’est-ce qui te fais penser que je pourrais le connaître ? Il t’a parlé de moi ?
Non. Mais vous vous ressemblez comme deux gouttes d’eau sortie d’un même vase.
On dit que tout le monde à un sosie quelque part. Ça doit être ça. »
Devant la réplique du jeune homme, Marc ne pu s’empêcher de penser que ce dernier se défilait et qu’il aurait du mal à tirer quoi que ce soit de lui. Cependant, il refusait d’abandonner la partie. L’énigme était trop énorme.
« Tu n’aurais pas un frère jumeau, par hasard ? »
Eden sourit et secoua la tête pour répondre. À cette réaction, Marc n’ajouta rien. Il n’avait pas le sentiment qu’Eden lui ait mentit. De plus, la réponse silencieuse qu’on venait de lui apporter, le faisait encore douter sur l’âge de son amant. Peut-être était-il réellement un adolescent qui paraissait plus vieux qu’il ne l’était. Eden avait parfois ses expressions d’enfant tout juste sorti de l’adolescence qui faisaient que l’âge qu’il disait avoir apparaissait comme une évidence. Marc décida donc que la ressemblance des deux hommes était pure coïncidence et qu’il ne servait à rien d’en débattre plus longuement. Cependant, ce mystérieux Pierre ne voulait pas quitter son esprit. Et ce soir-là, alors qu’il étreignait Eden, ce fut le visage presque identique de cet autre homme qui lui vint en tête. Il pensa encore à lui, espérant le rencontrer à nouveau alors qu’il s’endormait dans le bras de son jeune amant.
Quelques minutes ou quelques heures plus tard, Marc n’aurait su le dire, un coup dans le montant du lit le réveilla.
« Aïe. »
Eden semblait s’être cogné le pied.
« Ça va ? » demanda le trentenaire d’une voie ensommeillée.
C’était la première fois que son amant le réveillé alors qu’il fuyait l’appartement.
« Oui. C’est rien. Rendors-toi.
Maintenant que je t’ai surpris, pourquoi tu ne resterais pas cette fois pour changer ?
Je ne peux pas.
Quoi ? Sinon papa et maman vont te donner la fessée ? » Questionna-t-il pour plaisanter.
Mais son amant ne répondit rien. Il releva la tête pour le regarder. Eden détourna les yeux. Il semblait gêné par sa remarque. Marc ne pu s’empêcher de conclure que sa plaisanterie avait visée juste.
« Merde. J’oublie parfois que tu n’as que dix-neuf ans. Tu devrais te dépêcher d’y aller. »
Eden quitta la pièce sans dire un mot et Marc réalisa pour la première fois qu’il fréquentait un enfant. Il devait cesser cette comédie. Son amant était bien trop jeune et cette relation finirait par faire souffrir l’un ou l’autre. Et puis, il avait commencé à penser à un autre homme alors qu’ils faisaient l’amour et cela n’était pas innocent. Il ne comprenait toujours pas pourquoi ce Pierre lui avait laissé une si forte impression. Il ne pouvait s’empêcher de penser que cela n’avait rien à voir avec son jeune amant. Non ! Il y avait quelque chose d’autre ! Mais il ne savait quoi. Cet homme l’attirait, c’était sans conteste. Il devait absolument le revoir et tenter de comprendre ses nouveaux sentiments qui naissaient en lui. Ce fut sur cette idée qu’il regagna les bras de Morphée.

De son côté, Eden rejoignait l’appartement de Pierre. Ses parents ! Il sourit en y repensant, se congratulant que sa réaction à l’évocation de ces derniers lui ait évité le pire. Marc avait tout de suite pensé qu’il vivait encore chez ses parents et que cela expliquait ses disparitions. Son amant n’était pas allé chercher plus loin et cela arrangeait Eden. Ses parents ! À bien y réfléchir, ils ne manquaient pas tellement au jeune homme. Certaines choses, comme ses virées nocturnes, lui faisaient à présent défaut mais pas ses parents. Il avait même oublié qu’il en avait. Quelle importance ? Tout ce qui comptait c’était Pierre et rien d’autre.
Et Marc avait rencontré Pierre sans qu’il n’ait à agir. La chance lui souriait ou peut-être était-ce le destin. Qui savait ? Pierre et Marc était peut-être prédestinés l’un à l’autre et par une étrange coïncidence ou un don d’ubiquité, Eden l’avait ressentit. Il s’agissait d’un autre mystère que la vie mettait sur votre route. Enfin, tout s’annonçait bien. Il n’avait pas la capacité de sonder l’esprit des gens, mais lorsqu’il avait étreint son amant cette nuit-là, il avait sentit que ce dernier s’éloignait de lui et pensait à quelqu’un d’autre. À la lumière de la conversation qu’ils avaient eue au cours du repas, Eden ne pouvait qu’espérer qu’il s’agisse de Pierre, son Pierre. Il devait sérieusement envisager l’instant où il faudrait le quitter. Mais ce n’était pas encore le moment. Il était nécessaire qu’il s’assure que tout se déroulait selon son plan. Tant que Pierre ne serait pas béat dans les bras de Marc, Eden ne pouvait pas les laisser, ni l’un ni l’autre.
Cependant, il savait que si Marc ne l’aimait pas, celui-ci ne pourrait se résoudre à le tromper, lui ou Pierre. Le jeune homme devait trouver un moyen de donner libre cours aux désirs du trentenaire sans pour autant couper tout contact avec lui. Son plan n’était réellement pas sans faille. Il s’était lancé dans cette entreprise sans réellement penser aux conséquences de ses actes et à présent, il s’en mordait les doigts. Il devrait trouver une solution et rapidement.
Eden entra dans l’appartement vide et obscur. Il prit une douche et alla se coucher. Toute fois, il n’arriva pas à s’endormir, cherchant un indice qui pourrait le mettre sur la voie d’une réponse adéquate à son problème. Ce ne fut qu’aux premières lueurs du jour qu’il regagna les ténèbres d’un sommeil profond.


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